enregistrerfermerprécédentsuivant
zoom
shan sashan sashan sa
2003
shan sa
Lunes interminables, univers opaque, grondements, tornades, séismes. Rares étaient les moments de repos, front contre genoux, bras autours du cerveau, je pensais, j'écoutais, j'aspirais à ne pas exister. Mais la vie était là, perle transparente, astre qui tournait lentement sur soi. J'étais aveugle. Mes yeux étaient fixés sur cet autre monde, cette autre existence qui s'effaçait chaque jour. Ses couleurs étaient éteintes, ses images devenaient confuses. Il me restait encore des cris étonnés, des pleurs affaiblis. La réminiscence impuissante m'oppressait, la mélancolie me brûlait. Qui suis-je? Demandai-je à la Mort accroupie à mes pieds. Elle grogna et ne répondait pas.

Où suis-je? J'entendais des rires, des voix qui disaient: "Ce sera sûrement un garçon, Monseigneur. Il bouge. Il a la rage en lui."

Peu importe qui je serai. J'étais déjà lasse de cette immensité. J'étais lasse d'espérer, d'attendre, d'être moi, le centre du monde.

Le bruissement du vent m'apaisait. J'écoutais le ruissellement de la pluie. Dans mon ciel où le soleil ne se levait jamais, j'entendais le chant d'une petite fille. Sa voix douce et innocente me berçait. Ma soeur, j'appréhendais pour elle un grand malheur. Une main tentait de me caresser. Mais un mur nous séparait. Mère, ombre profilée sur la paroi de ma pensée, savez-vous que je suis un vieillard condamné à habiter la prison de votre chair?

Au fond du lac, dans les eaux de couleurs sépia, je pivotais, me recroquevillais, me déployais, pirouettais. De jour en jour, mon corps enflait, me pesait, m'étranglait. J'aurais voulu être une pointe d'aiguille, un grain de sable, le reflet du soleil dans une goutte d'eau, je devenais une chair qui éclatait, une montagne de gras, de plis, de sang, un monstre marin. Un souffle me soulevait et me balançait. Je devenais irascible. Je m'indignais contre moi-même, contre la femme qui était ma geôlière, contre la mort mon unique amie.

On m'attendait. J'entendais murmurer que le garçon serait appelé Lumière. Le bruissement des préparatifs m'empêchait de méditer. On parlait des vêtements, des couches, des fêtes, des nourrices, grasses, blanches, fortes. On interdisait d'invoquer mon nom, de peur que les démons ne s'emparassent de mon âme. On m'attendait pour commencer là où leurs destins s'étaient arrêtés. J'avais pitié de ces hommes fervents, affables, avides. Ils ne savaient pas encore que j'allais détruire leur monde pour construire le mien. Il ne savaient pas que j'allais apporter la délivrance par les flammes, par la glace.

Une nuit, je sursautai. Les eaux bouillonnaient. Des vagues furieuses s'écrasaient sur moi. Blottie, je luttais contre la peur en me concentrant sur les respiration, sur le tiraillement de ma douleur. Le déferlement de la marée me jeta dans une embouchure étroite. Je glissai entre les rochers. Mon corps saignait. Ma peau se déchirait. Ma tête implosait. Je serrais les poings pour ne pas hurler.

Quelqu'un me tira par les pieds et me tapa sur les fesses. La tête en bas, je vomis mes pleurs. On m'enveloppa dans du tissu qui m'écorchait. J'entendis la voix anxieuse d'un homme qui s'approcha: " Garçon ou fille?"

Personne ne répondit. L'homme s'empara de moi et tenta de déchirer mon maillot.

Le gémissement d'une femme l'interrompit:
-Encore une fille, Monseigneur.
-Ah! s'écria-t-il avant de fondre en larme.

A Reader's Review


Heavenlight has gone! The approach of her death, inevitable and foretold, brings an ache to her companion - you, the reader. This is the art of great compositions of prose; to marry you to the central, catalytic character. In Heavenlight, more so, we are active players as her story unfolds through her eyes, not a dispassionate Third Person objectively observing.

It is achievement enough to recreate a past age so it is tangible, smellable, real. To do this totally without recourse to other characters' view points is evidence of a subtle, large and furious talent. This is what you have done, almost uniquely.

Heavenlight is, of course, not the Empress Wu, any more than is King Arthur in "Morte d' Arthur" or Macbeth in Shakespeare's play. But she is believable and projects the complexities of a woman able to strive and triumph over men in a man's world. She is a formidable, often unsympathetic, and driven person, possessing traits that confuse, contradict and, often, disappoint. Her utter ruthless treatment of all, even those of her family, who threaten her position and steel self-belief that she alone can build the prosperity of her Empire, is startling and always jolting. A voracious, ambiguous sexuality could turn a conventional reader hostile. But such is the weaving of her character, the intermingling and unbending attention to the layering of historical fact and fictional, but believable, events which drive behavior, that all Heavenlight's qualities, admirable or questionable, merge in your hands to present a consistent, authentic and seductive person – one we are glad we become companion to.

I was drawn on and on, dazzled by avalanches of gorgeous, pertinent detail, enticed by dense, sensuous passages of life in the palaces and courts, all irreducibly necessary to take me to the Eighth Century as if it were last week.

China ceased to be a glistening, porcelain tableau – a bald and distantly viewed curiosity, remote and lacking in warmth of historical veracity. Your luscious, dense and clamouring descriptive powers swept all that aside. I cannot imagine who else could have linked the interlocking torrents of life so that, to the reader, the reason that China is the majestic, diverse and immutable presence in the world which it is, becomes plain and lucid through your words.

Above all, though, we are swept in and on and up, with Heavenlight, through obscurity, recognition, exile, resurrection, triumph and final, achingly unbearable, departure.

"Empress", even with many distractions and diversions, drew me back and back; your lyric, endlessly inventive words drew me back – and, never bored, this Yangtze of prose carried me on Heavenlight's journey, a devoted and passionate acolyte to her struggle and her grandeur.

Owen E - January 2008
shan sa